Trouble du comportement alimentaire de l’enfant et de l’adolescent

I. Anorexie mentale

INTRODUCTION

Trouble psychopathologique multifactoriel avec conséquences somatiques potentiellement graves

Conduite d’addiction ou de dépendance

EPIDÉMIOLOGIE

Jeunes filles (9 filles / 1 garçon)

2 pics de survenue: 13-14 ans et 18-20 ans (plus rarement avant la puberté)

Environ 1% des adolescentes

REPÉRAGE PRÉCOCE

HAS – questionnaire

  1. Vous faites-vous vomir parce que vous vous sentez mal d’avoir trop mangé ?
  2. Vous inquiétez-vous d’avoir perdu le contrôle de ce que vous mangez ?
  3. Avez-vous récemment perdu plus de 6 kg en 3 mois ?
  4. Pensez-vous que vous êtes gros(se) alors que d’autes vous trouvent trop mince ?
  5. Diriez-vous que la nourriture domine votre vie ?
TRIADE SYMPTOMATIQUE

Anorexie: conduite active de restriction alimentaire, souvent justifiée par un régime devenant drastique / attitudes particulières face à la nourriture / sensation de faim remplacée par une intolérance à la nourriture

Amaigrissement: progressif et souvent massif à la 1ere consultation / peut atteindre 50% du poids initial / aspect physique évocateur / méconnaissance voire déni de la maigreur / trouble de la perception de l’image du corps, fixations dymorphophobiques

Aménorrhée: primaire ou secondaire, non uniquement lié au désordre nutritionnel / un des derniers symptômes à disparaître

SIGNES CLINIQUES ASSOCIÉS
  • Potomanie (signe de gravité)
  • Mérycisme: régurgitation et remastication des aliments (signe de gravité)
  • Douleurs abdominales
  • Vomissements provoqués
  • Prise de laxatifs ou diurétiques
  • Hyperactivité motrice
SIGNES SOMATIQUES
  • Cheveux secs et tombants, ongles striés et cassants, peau sèche, lanugo, hypertrichose, érosions buccales, dents abîmées
  • Hypertrophie des parotides
  • Troubles cardiovasculaires: pâleur, acrocyanose, froideur des extrémités, hypotension, bradycardie, oedèmes de carence
  • Hypothermie
  • Constipation
  • Fractures liées à l’ostéoporose
CONTEXTE PSYCHOLOGIQUE
  • Déni de la gravité
  • Sentiment de bien être de maîtrise et de triomphe
  • Désir éperdu de mincir et peur de grossir
  • Isolement relationnel
  • Dépendance relationnelle: relations avec les parents marquées par l’emprise / conflits avec les parents contribuant à l’auto renforcement de la conduite
  • Besoin de maîtrise du corps
  • Sexualité désinvestie
  • Hyperinvestissement scolaire / intellectualisme
  • Faiblesse de l’estime de soi et dépression au coeur de la psychopathologie
  • Pas de troubles psychiatriques majeurs

Données paracliniques

  • Diagnostic clinique
  • Examens complémentaires pour retentissement de la dénutrition et diagnostic différentiel
  • Examens biologiques (hémogramme, fonction rénale et hépatique), ECG, absorptiométrie osseuse après 6 mois d’aménorrhée
SIGNES DE GRAVITÉ
  • Amaigrissement rapide, brutal et > 30% du poids
  • IMC < 13
  • Bradycardie < 40/min
  • Hypotension < 9/5
  • Troubles du rythme cardiaque (hypokaliémie)
  • Hypothermie
  • Troubles biologiques graves
  • Epuisement
  • Ralentissement psychique, troubles de la conscience
  • Episode dépressif majeur, idéations suicidaires
DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL

Affections psychiatriques: dépression majeure, épisode psychotique, phobies alimentaires

Affections organiques: tumeurs cérébrales, cancers, maladies du tractus digestif, hyperthyroïdies, panhypopituitarisme (insuffisance des glandes périphériques sous contrôle de l’hypophyse), maladie d’Addison

FORMES CLINIQUES
  • Anorexie-boulimie: 50% des cas
  • Anorexie mentale du garçon: 10%, en augmentation, trouble de l’identité sexuelle
  • Anorexie pré pubère: 8-10% des cas (retard de croissance, pronostic plus grave)
  • Anorexie sub clinique
FACTEURS ÉTIOPATHOGÉNIQUES

Facteurs psychologiques

  • Rôle de l’adolescence
  • Personnalité pré morbide: enfance sans histoire, aconflictuelle, souci de conformisme et de répondre aux attentes narcissiques de la mère
  • Facteurs familiaux: crainte des conflits, difficulté d’autonomie, effacement des barrières entre les générations

Facteurs culturels

  • Corps idéal, maîtrisé et contrôlé
  • Impact de la valorisation de la femme mince sur adolescentes au narcissisme défaillant

Rôle de la dénutrition

  • Impact important: facteur dépressogène, modification des perceptions
PSYCHOPATHOLOGIE INDIVIDUELLE
  • Déplacement des conflits intrapsychiques
  • Fragilité identitaire
  • Conflit dépendance-autonomie
  • Exigences en réponse de l’angoisse de ne pas contrôler, à la peur des appétits, à l’insupportable de la sexualité
EVOLUTION ET PRONOSTIC
  • Durée d’évolution de plusieurs mois à toute une vie
  • Décès 10% des cas (dénutrition, suicide)
  • Rechutes environ 50% des cas
  • Conduites alimentaires et poids normalisés dans 75 à 80% des cas à 5 ans
  • Chronicité dans 15 à 20% des cas
  • Guérison à 4 ans: 50-60% des cas si triade symptomatique
PRINCIPES DE TRAITEMENT

Abord global intégré, somatique et psychologique, dans la durée

Objectifs multiples: traiter le symptôme majeur, traiter la personnalité, traiter les dysfonctionnements familiaux

Hospitalisation si danger vital ou si malgré suivi ambulatoire poursuite de la perte de poids ou absence de reprise de poids

Contrat de poids: objet de médiation utile permettant de mobiliser les positions du patient et de son entourage

Psychotropes uniquement en appoint

Psychothérapies de soutien, analytique, psychodrame, cognitivo-comportementale

Famille: groupe de parole, thérapie familiale

Adopter une attitude souple par rapport à la nourriture

Attitude empathique et déculpabilisante

CRITÈRES D’HOSPITALISATION

Anamnestiques

  • Perte de poids rapide: plus de 2kg/semaine
  • Refus de manger, refus de boire
  • Lipothymies ou malaises d’allure orthostatique
  • Fatigabilité voire épuisement évoqué par le patient

Cliniques

  • IMC < 14 au-delà de 17 ans, < 13.2 à 15 et 16 ans, < 12.7 à 13 et 14 ans
  • Ralentissement idéique verbale, confusion
  • Syndrome occlusif
  • Bradycardies extrêmes, tachycardies
  • Hypotension (< 80 mmHg)
  • Hypothermie ou hyperthermie

Paracliniques

  • Acétonurie, hypoglycémie
  • Troubles hydroélectrolytiques ou métaboliques sévères
  • Elévation de la créatinine
  • Cytolyse, leuconeutropénie, thrombopénie

Risque suicidaire

  • Tentative de suicide réalisée ou avorté, plan suicidaire précis, automutilations répétées

Comorbidités

  • Tout trouble psychiatrique associé dont l’intensité justifie une hospitalisation: dépression, abus de substances, anxiétés, symptômes psychotiques, troubles obsessionnels compulsifs

Anorexie mentale

  • Idéations obsédantes intrusives et permanentes
  • Incapacité à contrôler les pensées obsédantes
  • Nécessité d’une renutrition
  • Excercice physique excessif et compulsif
  • Conduites de purge (vomissements, laxatifs, diurétiques)

Motivation, coopération

  • Echec antérieur d’une prise en charge ambulatoire bien conduite
  • Patient peu coopérant ou coopérant uniquement dans un environnement de soins très structuré
  • Motivation trop insuffisante

Disponibilité de l’entourage

  • Problèmes familiaux ou absence de famille pour accompagner les soins ambulatoires
  • Epuisement familial

Stress environnemental

  • Conflits familiaux sévères, critiques parentales élevées
  • Isolement social sévère

Disponibilité des soins

  • Pas de traitement ambulatoire possible par manque de structures
HOSPITALISATION
  • Ré alimentation: par voie orale progressive sauf si urgence vitale
  • Contrat d’hospitalisation négocié avec le patient et sa famille, poids et relations avec l’entourage
  • La séparation thérapeutique peut faire partie du contrat, permet d’ouvrir des possibilités de relations nouvelles au travers de la vie institutionnelle
  • Psychothérapie individuelle
  • Thérapie familiale
  • Mesures thérapeutiques diversifiées
SYNDROME DE RENUTRITION

Syndrome potentiellement fatal, causé par une renutrition trop rapide après une période de dénutrition. Le signe majeur est l’hypophosrémie. La nutrition peut être commencée simultanément à la correction en électrolytes et vitamines.

Hypophosphorémie – Conséquences

  • Cardiaques: diminution de la fonction myocardique, arythmie, insuffisance cardiaque congestive
  • Neuromusculaires: asthénie, confusion, neuropathie, parasthésies, rhabdomyolyse, Guillain-Barré
  • Hépatiques: insuffisance hépatique aiguë
  • Respiratoires: insuffisance respiratoire aiguë
  • Hématologiques: anémie, hémolytique, thrombopénie
  • Squelettiques: ostéomalacie

 

II. Boulimie

INTRODUCTION

Trouble psychopathologique à incidence somatique

Consommation exagérée d’aliments avec perte de contrôle des prises, rapidement, sans rapport avec la sensation de famil

Diagnostic souvent tardif

EPIDÉMIOLOGIE

Fréquente dans les pays les plus développés

Prévalence: 1.5% de la population féminine

3-4 filles / 1 garçon

Début vers 18-20 ans

DIAGNOSTIC CLINIQUE

Forme clinique caractéristique = forme compulsive normo pondérale, évoluant par accès avec vomissements provoqués

Crise

  • 1 à 2 fois par semaine à plusieurs fois par jour
  • Ingestion massive
  • Impulsive, irrépressible avec perte de contrôle
  • Grande quantité de nourriture, richement calorique
  • Moments de solitude, en cachette, en dehors des repas
  • Arrêt par vomissements provoqués
  • Sentiments de honte, de dégoût de soi, de culpabilité à la fin de l’accès
  • Diverses stratégies de contrôle du poids
CARACTÉRISTIQUES PSYCHIQUES
  • Peur de grossir
  • Préoccupations autour du poids et de l’image corporelle
  • Préoccupations autour de la nourriture
  • Dépendance exagérée aux parents et notamment à la mère
  • Investissement perturbé de la sexualité
  • Fréquemment associés: anxiété, dépression, kleptomanie…
DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
  • Fringales, grignotages et hyperphagies prandiales
  • Hyperphagies dans le cadre d’un diabète, syndrome de Kluver-Bucy
  • Episode maniaque
FORMES CLINIQUES
  • Boulimie normo pondérale dans 70% des cas
  • Boulimie avec obésité dans 30% des cas
  • Formes mixtes anorexie et boulimie
  • Formes masculines plus sévères / trouble de l’identité sexuée
  • Etat de mal boulimique exceptionnel et grave
EVOLUTION ET PRONOSTIC
  • Evolution longue et fluctuante
  • Chronicité avec troubles associés: dépression, TS, co addictions
  • Pronostic dépend de la psychopathologie sous jacente
  • Complications somatiques (troubles métaboliques et hydroélectrolytiques, troubles du cycle menstruel..)
PRINCIPES DE TRAITEMENT

Chimiothérapie IRS: efficacité sur intensité et nombre de crises

Psychothérapies

Hospitalisation rare

 

III. Troubles des conduites alimentaires du nourrisson

Alimentation au coeur de la relation précoce mère-enfant

La régulation mutuelle de l’interaction peut être décrite à 3 niveaux: comportemental, affectif et fantasmatique

  • Comportemental: expressions faciales, regards, postures et gestes
  • Affectif: contact oeil à oeil, paroles et attention de la mère et vocalisations du bébé
  • Fantasmatique: attitudes corporelels de la dyade, distances, verbalisations au cours de la consultation
ANOREXIE D’OPPOSITION
  • La plus fréquente
  • Plus conduite de refus qu’absence d’appétit
  • Besoin de changement et non caprice
  • Moment de changement (sevrage, nourrice, déménagement)
  • Rapport de force accentue le malentendu
  • Souvent poids conservé mais perte de poids ou stagnation pondérale = critères de gravité
  • Formes simples et complexes
ANOREXIE D’INERTIE
  • Plus rare et plus grave
  • Perte de poids constante avec engagement du pronostic vital
  • Associée à des troubles dépressifs
  • Début précoce possible (premier trimestre)
  • Contexte de privation affective
VOMISSEMENTS
  • Fonctionnels ou psychogènes
  • Contexte relationnel non adapté avec bouleversement du mode de vie (séparation avec la mère)
  • Risque de déshydratation aiguë
  • Deuxième trimestre ou avant
MÉRYCISME
  • Sentiment d’insécurité chez l’enfant
  • Autres signes de la série dépressive, repli sur soi
  • Contexte de carence affective sévère
  • Aggravé par une béance du cardia
  • Formes bénignes et formes sévères plus rares

 


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