Suicide: étiologies, âges et prévention

I. Démarche diagnostique en psychiatrie

4 étapes: entretien, examen somatique, examen psychiatrique, examen paraclinique

ENTRETIEN AVEC LE PATIENT ET AVEC L’ENTOURAGE
  • Antécédents psychiatriques et médicaux: personnels, familiaux
  • Circonstances de survenue du trouble
  • Facteurs déclenchants (traumatisme physique, psychique, intoxication)
  • Existence d’une prise de toxiques, d’alcool ou de médicaments (aiguë ou chronique)
EXAMEN PSYCHIATRIQUE
  • Présentation: tenue négligée, mouvements désordonnés, agressivité, logorrhée
  • Etat de conscience du patient: vigilance, orientation temporo-spatiale, perplexité anxieuse
  • Troubles du contenu et du cours de la pensée: délire, hallucinatons, onirisme
  • Humeur: euphorie, mélancolie
  • Trouble des affects: anxiété, peur
EXAMEN SOMATIQUE
  • Recherche systématique d’une étiologie organique
  • Signes généraux, signes neurologiques..
BILAN PARACLINIQUE
  • Examens complémentaires biologiques ou radiologiques orientés par la clinique

 

II. Suicide: définitions

C’est une urgence psychiatrique

Suicide: « meurtre de soi-même » (Durkheim)

Tentative de suicide: acte par lequel un individu met consciemment sa vie en jeu, soit de manière objective, soit de manière symbolique et n’aboutissant pas à la mort

Suicidaire: sujet manifestant l’intention de se suicider, soit verbalement soit par son comportement

Suicidant: sujet qui a survécu à une tentative de suicide

Conduite suicidaire: conduites par lesquelles le sujet tente de se donner la mort

Equivalent suicidaire: comportement qui risque d’aboutir à la mort du sujet sans qu’il en ait forcément conscience (ex: conduite à grande vitesse, alcoolisation brutale, toxicomanie..)

La crise suicidaire

  • Rupture par rapport au comportement habituel de la personne
  • Signes manifestes: expression de la crise psychique, distorsions cognitives et manifestations explicites d’idées et d’intentions suicidaires

 

III. Données épidémiologiques

120 000 tentatives de suicide (TS) par an

12 000 décès par suicide par an (10% des TS)

  • 9e cause de décès en France (toute population confondue)
  • 2e cause de décès chez les 15-24 ans
  • 1e cause de décès chez les 24-35 ans

Disparités régionales de la mortalité par suicide

COMPARAISON ENTRE TS ET SUICIDE
Tentative de suicide Suicide
Nombre / an 120 000 12 000
Sexe Femme Homme
Age Moins de 35 ans Plus de 60 ans
Etat civil Marié Célibataire, divorcé, veuf
Géographie Milieu urbain Milieu rural
Pathologie psychiatrique Trouble de la personnalité Dépression, schizophrénie, alcoolisme
Moyen Médicaments, phlébotomie Armes à feu, pendaison

 

Modes de tentatives de suicide les plus fréquents

  • IMV (en général aux benzodiazépines): 70% des TS en milieu urbain
  • Phlébotomie
  • Pendaison, défenestration, armes à feu moins courantes

Modes de réussite suicidaire les plus fréquent

  • Pendaison (43% des cas, surtout en milieu rural)
  • Arme à feu (surtout chez l’homme, 23% des cas)
  • Noyage (surtout chez la femme)
  • Défenestration

 

IV. Facteurs de risque généraux et psychiatriques

FACTEURS DE RISQUE GÉNÉRAUX
  • Antécédents personnels de TS, antécédents familiaux de TS ou de suicide
  • Age (15-24 ans, plus de 60 ans): le risque de suicide réussi augmente avec l’âge
  • Conditions socio-économiques
  • Isolement affectif, emploi précaire ou chômage, professions libérales ou cadres supérieurs
  • Conditions socio-économiques
  • Situations géographique: pays industrialisé, milieu rural plus que milieu urbain
  • Saison: printemps plus qu’hiver
  • Maladie chronique
  • Antécédents de maltraitance ou d’abus sexuels
FACTEURS DE RISQUE PSYCHIATRIQUE
  • Troubles de l’humeur: épisode dépressif majeur, psychose maniaco-dépressive, dépression réactionnelle (risque suicidaire x25)
  • Alcoolisme et toxicomanie (2e facteur de comorbidité en cas de suicide)
  • Schizophrénie (10% décèdent par suicide, 40 à 50% font une TS): au début lié au syndrome délirant, puis au cours de l’évolution lié au syndrome dépressif
  • Délire chronique: suicide plus rare
  • Névrose: hystérie > anxiété > phobie > TOC
  • Personnalité pathologique: psychopathie et état limite

 

V. Prévention

PRIMAIRE

Sujets se présentant sans risque suicidaire, mais avec des facteurs de risque

Stratégies de dépistage précoce et thérapeutique appropriées

Limitation des facteurs de risque et des facteurs de décompensation

SECONDAIRE

Sujets ayant des idées suicidaires

Eviter le passage à l’acte par un mode de prise en charge le plus adapté

TERTIAIRE

Eviter une récidive

 

VI. Evaluation d’une conduite suicidaire

Ne pas banaliser, ne pas dramatiser

Pas obligatoirement liée à une dépression ou à une maladie mentale

Parfois seul moyen d’expression du patient devant une crise douloureuse: parfois autant une demande d’aide qu’un moyen d’en finir

Pas toujours de relation entre la gravité de la situation et le moyen choisi

Malgré tous les moyens d’évaluation clinique du risque suicidaire, le passage à l’acte reste un acte impulsif

 

VII. Evaluation du patient suicidaire

Règle RUD: Risque (facteurs de risque), Urgence, Danger

RISQUE (FACTEURS DE RISQUE)

Individuels/personnels

  • ATCD suicidaires personnels et familiaux
  • Diagnostic de trouble mental, abus ou dépendance à l’alcool ou aux drogues
  • Estime de soi faible ou fortement ébranlée
  • Tempérament et style cognitif de l’individu
  • Santé physique: problèmes de santé physique qui affectent la qualité de vie

Familiaux

  • Violence, abus physique, psychologique ou sexuel dans la vie de l’individu

Evènements de vie

  • Elément déclencheur
  • Situation économique
  • Isolement social
  • Séparation ou perte récente qui affecte encore le patient
  • Difficultés dans le développement
  • Contagion suite à un suicide
  • Difficultés avec la loi
  • Pertes, échecs ou évènements humiliants
URGENCE

Quand: le passage à l’acte est imminent (48 ou 72 heures)

DANGER

Niveau de souffrance

Degré d’intentionnalité

Eléments d’impulsivité

Eventuel élément précipitant

Présence de moyens létaux à disposition

Qualité du soutien de l’entourage du proche

 

VIII. Urgences faible, moyenne ou élevée

URGENCE FAIBLE: PERSONNE QUI..
  • Désire parler et est à la recherche de communication, cherche des solutions à ses problèmes
  • Pense au suicide mais n’a pas de scénario suicidaire précis, pense encore à des moyens et à des stratégies pour faire face à la crise
  • N’est pas anormalement troublée mais psychologiquement souffrante
  • A établi un lien de confiance avec un praticien
URGENCE MOYENNE: PERSONNE QUI..
  • A un équilibre émotionnel fragile
  • Envisage le suicide et son intention est claire, a envisagé un scénario suicidaire mais dont l’exécution est reportée
  • Ne voit de recours autre que le suicide pour cesser de souffrir
  • A besoin d’aide et exprime directement ou indirectement son désarroi
URGENCE ÉLEVÉE: PERSONNE QUI..
  • Décidée: sa planification est claire et le passage à l’acte est prévu pour les jours qui viennent
  • Coupée de ses émotions: elle rationalise sa décision ou au contraire elle est très émotive, agitée ou troublée
  • Qui se sent complètement immobilisée par la dépression ou se trouve dans un état de grande agitation
  • Dont la douleur et l’expression de la souffrance sont omniprésentes ou complètement tues
  • A un accès direct et immédiat à un moyen de se suicider
  • A le sentiment d’avoir tout fait et tout essayé
  • Est très isolée

 

IX. Prise en charge du patient suicidant

Evaluation clinique du pronostic vital et mise en route des moyens thérapeutiques adaptés (réanimation)

Reconnaître le caractère suicidaire du geste: intentionnalité suicidaire, impulsivité du geste, critique du geste

Hospitalisation pour bilan minimum (somatique, psychiatrique, social) et apporter une surveillance permanente

Entretien avec l’entourage

Prise en charge psychothérapique ou chimiothérapeutique en fonction de l’étiologie de la pathologie

 

Situation fréquente et difficile à évaluer

Demande du temps

Prise en charge pluridisciplinaire

 


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