Traumatologie du rachis

I. Définitions et rappels anatomiques

SECTEURS RACHIDIENS

33 vertèbres au total

  • 7 vertèbres cervicales
  • 12 vertèbres thoraciques
  • 5 vertèbres lombaires
  • 9 vertèbres sacroccocygienne (vertèbres fusionnées: sacrum et coccyx)

Rachis cervical supérieur

  • Composé des 2 premières vertèbres cervicales et des articulations C0-C1 et C1-C2
  • Anatomie particulière
  • 80% de la rotation

L’espace discal

  • Le disque est fait pour 70% d’eau et 30% de protéoglycanes
  • Le disque maintient un espace entre les 2 corps vertébraux
  • En arrière les 2 apophyses articulaires sont en contact par les facettes munies de cartilage

Espace mobile de Junghans

  • Le disque, les cartilages, les ligaments délimitent un espace mobile avec au centre les éléments neurologiques

Moelle épinière

  • Nerfs sensitifs et moteurs
  • S’étend du foramen magnum à L1
  • Se termine au niveau du cone médullaire
  • Se prolonge par la queue de cheval en L1

31 paires de nerfs spinaux

  • 8 cervicaux
  • 12 thoraciques
  • 5 lombaires
  • 6 sacrococcygiens

3 courbures

  • lordose cervicale
  • cyphose dorsale
  • lordose lombaire

Acquisition des courbures

  • les 3 courbures sont caractéristiques de la station érigée
  • il n’y a pas de courbure dans le plan frontal

 

II. Traumatismes du rachis

Epidémiologie

  • Accidents de la voie publique
  • Chutes
  • Sport
  • Autolyse
  • Iatrogène

Niveau lésionnel: thoraco-lombaire > cervical

Associations lésionnelles: 43%

  • thorax
  • fractures
  • traumatismes crâniens
  • rachis: atteintes pluri étagés

Conséquences cardio-vasculaires

  • hypotension artérielle (> T6)
  • diminution des capacités d’adaptation à l’hypovolémie (> T6)
  • bradycardie (> T2)
  • arrêt cardiaque (> C3)

Conséquences ventilatoires

  • atteinte respiratoire dépendante du niveau lésionnel
  • C4: dépendance ventilatoire totale: paralysie diaphragmatique, paralysie muscles intercostaux
  • C5 à C7 et dorsale haute: autonomie ventilatoire relative et précaire

Autres conséquences

  • Digestives: iléus paralytique et distension gastriqe (problème du diagnostic des lésions intra-abdominales chez le para ou tétraplégique)
  • Urinaires: perte de l’autonomie vésicale avec rique de rétention aiguë d’urine
  • Thermique: suppression des mécanismes de compensation à l’hypothermie

Conduite à tenir

  • Tout polytraumatisé est un blessé médullaire jusqu’à preuve du contraire
  • Tout traumatisé crânien grave est un blessé médullaire jusqu’à preuve du contraire
  • Tout blessé médullaire est un polytraumatisé jusqu’à preuve du contraire
  • Ramassage: mobilisation rachis en rectitude, immobilisation (minerve, matelas coquille)
  • Evaluation (fiche écrite): blessé inconscient (éliminer une urgence vitale, suspecter la lésion médullaire), blessé conscient (score ASIA: évaluation motrice et sensitive)

Conditionnement

  • Hémodynamique: PAm> 80mmHg, limiter le remplissage, éviter les variations tensionnelles
  • Respiratoire: sonde nasale ou masque (SpO2 >97%)
  • Facteur d’agression secondaire: contrôle glycémie, réchauffer
  • Traitement médicamenteux neuroprotecteur

Orientation des secours

  • Centre hospitalier de référence (plateau technique, prise en charge spécialisée multidisciplinaire, prévenir dès l’évaluation initiale)
  • Transport héliporté

Conclusion

  • Ramassage = geste technique
  • Evaluation initiale de qualité
  • Transport

 

III. Fractures du rachis

PRISE EN CHARGE INITIALE

Y a-t-il une atteinte neurologique ?

  • le bilan neurologique doit être minutieux et écrit dès la prise en charge sur les lieux de l’accident
  • répété régulièrement
  • la présence de troubles neurologiques impose le plus souvent une prise en charge chirurgicale urgente

Lésion neurologique

  • lésion médullaire
  • lésion radiculaire
  • syndrome de la queue de cheval

Lésion médullaire

  • tétraplégie: atteinte des 4 membres, lésion cervicale
  • paraplégie: atteinte des membres inférieurs, lésion dorsale
  • motricité
  • sensibilité
  • sphincter

Evaluation neurologique

  • Score ASIA: sensibilité, motricité, contractilité et tonus du sphincter anal
  • Score de Frankel (stade A: atteinte complète, stade E: examen normal)
DÉMARCHE DIAGNOSTIQUE

Imagerie

  • Radio standard: totalité du rachis face/profil
  • Tomodensitométrie: analyse des lésions osseuses
  • L’imagerie par résonance magnétique: discordance atteinte neurologique absence / lésion osseuse

Analyse lésionnelle: permet d’établir une stratégie thérapeutique

  • Sur le plan neurologique: éviter apparition / aggravation neurologique, mettre structures médullaires et radiculaires dans les meilleures conditions
  • Sur le plan statique: corriger une déformation rachidienne

La classification de Magerl: 3 types de lésions

  • Lésion de type A: compression
  • Lésion de type B: distraction
  • Lésion de type C: rotation

Sténose du canal rachidien

  • se mesure au niveau de la coupe pédiculaire au TDM
  • le tissu nerveux occupe 50% du canal, donc si le recul est > à 50%: risque neurologique important
  • diminution du canal médullaire par recul du mur vertébral, fracture-déplacement de l’arc postérieur
TRAITEMENT

Dans tous les cas il faut tenir compte de:

  • analyse de l’imagerie (classification de Magerl)
  • déformations sagittales
  • sténose du canal rachidien

L’attitude thérapeutique est conditionnée par la présence ou l’absence de signes neurologiques

Traitement non chirurgical

  • traitement fonctionnel
  • immobilisation par corset sans réduction
  • réduction corset

Traitement chirurgical, il doit répondre à 3 impératifs

  • réduction de la déformation rachidienne (correction de la cyphose)
  • stabilisation des lésions (par le biais d’une ostéosynthèse)
  • libération du canal rachidien (facultative, elle n’est réalisée qu’en cas de troubles neurologiques ou de sténose importante)

Stabilisation des lésions à court terme

  • ostéosynthèse par voie postérieure (vis pédiculaires, crochets, tiges)
  • ostéosynthèse par voie antérieure (plaques vissées, cages de corporectomie)

Stabilisation des lésions à long terme

  • arthrodèse par greffon cortico-spongieux  (produit de laminectomie, crête iliaque, substituts)

Soins post-opératoires

  • Collier: garder au lit, rasage par tierce personne tous les jours
  • Corsets: pas de corset au lit
  • Principes: mobilisation au lit toujours possible, latéralisation /4heures, position 1/2 assise, par tierce personne (pas de perroquet)
  • Prévention escarre
  • Prévention thromboembolique: traitement anticoagulant, bas à varices, massages

Patient non neurologique

  • lever précoce
  • 1er lever avec kinésithérapeute
  • redon (environ 48h)
  • position assise en fonction de prescription

Patient avec troubles neurologiques

  • La peau: pas de sensibilité (donc pas de douleur), mobilisation au lit, matelas anti escarre, bas, surveillance cutanée
  • La plaie
  • La prévention des escarres
  • La sonde urinaire: l’ablation de sonde chez un patient neurologique est une décision médicale, jamais de clampage, changer toutes les semaines, contrôle ECBU régulier

 

IV. Complications

Complications post-opératoires

  • aggravation neurologique
  • brèche durale
  • hématorachis
  • infections

Les complications neurologiques post-opératoires sont une urgence

Identifier et évaluer le déficit neurologique

  • le rechercher
  • interrogatoire
  • modification de la sensibilité
  • différencier atteinte sensitive et atteinte motrice
  • rechercher l’atteinte périnéale
  • importance de la surveillance post op immédiate /4h

Ce qui est grave

  • atteinte post-opératoire immédiate ou rapidement progressive
  • déficit mono ou poly radiculaire complet moteur et sensitif
  • troubles de la sensibilité périnéale
  • => appel médecin en urgence

Traitement: reprise chirurgicale en urgence

  • malposition des implants
  • corps étranger, fragment osseux, discal, cartilagineux intracanalaire
  • hématome compressif

Lésion directe ou indirecte = scanner de contrôle

  • malposition de matériel
  • migration secondaire
  • fracture ou esquille os
  • corps étranger

Compression = IRM

  • hématome
  • fragment discal

Hématorachis

  • hématome extradural rachidien compressif post-opératoire
  • douleur puis déficit moteur (intervalle libre de 6h)
  • pas d’examen complémentaire

Vitesse de décompression = pronostic neurologique

Urgence diagnostique et chirurgicale (3h)

BRÈCHES DURALES

Lésion de l’enveloppe contenant le LCR

  • secondaire à la fracture
  • secondaire à la décompression chirurgicale
  • => fuite de LCR

Mécanisme

  • fracture
  • en per opératoire: lacération directe, adhérences, fibrose
  • en post opératoire: épines osseuses résiduelles, toux au réveil, pression intra-thoracique ou intra-abdominale

Diagnostic clinique

  • post-opératoire immédiat
  • céphalées positionnelles
  • cervicalgies
  • nausées vomissements
  • surnageant clair redon

Diagnostic paraclinique

  • en cas de doute: IRM

Complications

  • fistules cutanéo-durales: méningites, arachnoïdite, abcès épidural
  • collection sous cutanée: retard de cicatrisation, désunion cicatricielle, infection
  • pseudoméningocèle: parésies en particulier du VI (strabisme), sciatique
  • céphalées invalidantes

Traitement des brèches per opératoires

  • exposition de la totalité de la zone lésée
  • réintégration des radicelles sans pression +/- durotomie
  • suture par fil monobrin fin non résorbable aiguille ronde sans striction, points séparés ou surjet
  • étanchéité par colle biologique
  • fermeture soigneuse sans espace mort
  • drainage externe en siphonage = surveillance
  • antibiothérapie prophylactique
  • décubitus dorsal 2 à 5 jours

Découverte post-opératoire: différentes prises en charge selon les équipes

  • traitement conservateur (suture cutanée, pansement compressif, surveillance rapprochée)
  • traitement chirurgical

Evolution

  • ne modifie pas le résultat fonctionnel à distance
  • favorable dans la majorité des cas: si diagnostic et prise en charge rapide, si traitement adéquat

Conclusion

  • complication fréquente 4%
  • dépistage et prise en charge rapide nécessaires
  • peu de séquelles dans la majorité des séries
INFECTION PRÉCOCE DU SITE OPÉRATOIRE

Aspects cliniques

  • fièvre
  • douleur
  • aspect cutané: rougeur, écoulement

Biologie

  • NFS
  • VS, CRP
  • Hémoculture si T° > 38.5°C

Diagnostic de certitude

  • prélèvements, mise en culture, identification du germe, antibiogramme

Traitement

  • infections aigues: excision, lavage, drainage, greffons ? implants ?
  • prise en charge multidisciplinaire
  • antibiothérapie
  • surveillance biologique
  • isolement

Antibioprophylaxie

  • Pas d’antibio si pas de facteur de risque, ni matériel
  • Antibio per opératoire si facteur de risque et absence de matériel ou présence de matériel sans facteur de risque
  • Antibio per opératoire et 48 heures post opératoire si facteur de risque et matériel
  • débutée avant l’induction
  • posologie initiale: 2 fois la dose usuelle
  • réinjections peropératoires: la dose usuelle toutes les demi-vies jusqu’à fermeture cutanée

Bloc opératoire

  • limiter le nombre de personne en salle
  • traçabilité des intervenants
  • pas de chirurgie septique sauf urgence neurologique

 

Conclusion

Place primordiale de l’infirmière dans la prise en charge du blessé vertébro-médullaire

  • Pré opératoire
  • Per opératoire
  • Post opératoire (soins, surveillance, prévention des complications chirurgicales et médicales, soutien psychologique (patient neurologique++)

 


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