Chronicité et maladie d’Alzheimer

UNE MALADIE CHRONIQUE

Selon l’OMS la maladie chronique est « un problème de santé qui nécessite une prise en charge sur une période de plusieurs années ou plusieurs décennies ».

La maladie d’Alzheimer est une maladie cérébrale dégénérative d’évolution lentement progressive.

Elle implique des soins constants de nombreuses années soit par les aidants soit dans des établissements de long séjour.

De ce fait, elle touche beaucoup plus que le demi-million de personnes atteintes: elle bouleverse la vie de familles entières.

Elle affecte l’identité de la personne maladie du fait non seulement des conséquences mais des lésions elles-mêmes.

 

LA MALADIE D’ALZHEIMER

Une maladie dégénérative progressive qui affecte les neurones de certaines régions du cerveau

Caractérisée par des modifications du tissu cérébral

Traduction clinique

  • Difficulté de mémoire progressive
  • Secondaire associée à des difficultés de langage, de raisonnement, d’abstraction, dans certains gestes, l’utilisation d’objets, la reconnaissance d’objets ou de visages
  • Modifications du comportement
  • Perte d’autonomie

 

LES SYMPTÔMES CLINIQUES SUIVENT L’ÉVOLUTION DES LÉSIONS

Stade débutant

  • Incapacité à former de nouveaux souvenirs
  • Défaut de mémorisation du « fur et à mesure »
  • Respect relatif de l’autonomie

Stade modéré

  • Difficultés pour s’orienter, pour communiquer, pour raisonner, pour utiliser des objets ou des appareils ménagers, pour gérer son budget

Stade sévère

  • Syndrome aphaso-apraxo-agnosique, troubles moteurs de la déglutition
  • Dépendance totale

 

UNE MALADIE INVALIDANTE

Handicap permanent

Lié à la perte des fonctions cognitives

Lié à la perte de la régulation du comportement

Avec un retentissement majeur sur l’autonomie

L’anosognosie complexifie la prise en charge

La mémoire implicite (inconsciente) est longtemps préservée

 

UN ENJEU DE SANTÉ PUBLIQUE

Sa fréquence augmente avec l’âge: 5% des plus de 65 ans, 25% des plus de 85 ans

La population des plus de 80 ans aura plus que doublé en 2050

2/3 des coûts sont liés à l’institutionnalisation

La charge portée par les aidants est considérable: en terme de temps et de morbidité (dépression, maladies somatiques)

Le coût humain de la maladie d’Alzheimer: maladie du patient et souffrance des proches

 

UNE MALADIE CHRONIQUE ÉVOLUTIVE ET FATALE

Maladie (10 à 15 ans d’évolution), qui dure jusqu’à la fin de la vie et qui empire inexorablement

Non guérissable, de pronostic fatal

Traitement « palliatif », ne stoppe pas le processus pathologique

Des réaménagements constants sont à faire tout au cours de la maladie

  • Réaménagements organisationnels et pratiques
  • Réaménagements affectifs
  • Relationnels
  • Systémiques: changement de l’équilibre familial

 

UNE ÉVOLUTION SECOUÉE PAR DES PHASES CRITIQUES

La phase de l’annonce du diagnostic

Les étapes de la perte d’autonomie

  • Renoncer à la conduite automobile
  • Renoncer à la gestion de ses affaires
  • Renoncer à sortir seul
  • Avoir besoin d’aide pour les actes de la vie courante
  • => Ce qui veut dire dévalorisation, humiliation pour le patient, poids des responsabilités pour le proche

La décision éventuelle de mesures de protection juridique

L’entrée en institution

Par des événements extérieurs, d’autant plus perturbants dans ce contexte

  • Défaillance du réseau
  • Problèmes de santé ou disparition du proche aidant
  • Hospitalisation d’urgence, chute, état confusionnel, problème somatique ou chirurgical

 

L’ENTOURAGE EN PREMIÈRE LIGNE

Place primordiale de la famille

L’entourage est en première ligne

  • Les conjoints: âgés aussi, avec des soucis de santé
  • Les enfants (avec charge de famille)
  • Plus souvent les femmes et les filles
  • Parfois un parent éloigné, un voisin

La détresse du proche soignant: le fardeau subjectif et ses conséquences (santé physique, santé mentale, vie sociale)

 

LA CHRONICITÉ DE LA MALADIE D’ALZHEIMER ET SES RISQUES

Peur

Répercussions individuelles et collectives

Confusion avec le vieillissement: naufrage collectif annoncé

Déni, refus du diagnostic, stratégies d’évitement

Négligence, maltraitance

Peur de la transmettre: question de l’hérédité et des facteurs génétiques

 

RISQUE D’EXCLUSION DU PATIENT DÉMENT

Négation de la réalité psychique du sujet dément

On pense à priori que le patient dément n’est pas capable de comprendre et d’exprimer ce qu’il pense, et on se comporte en conséquence

Or la prise de conscience, une réflexion sur ses difficultés est souvent possible chez le sujet dément, à condition d’aller au-delà de l’anosognosie de laisser du temps à l’élaboration de la pensée et de l’accompagner

Il faut être conscient du poids des représentations dans la rencontre avec l’autre

 

LE VÉCU DES OUBLIS

Phénomène inconstant, insidieux

Phénomène inexplicable

Phénomène qui vous prend en faute

Phénomène humiliant, honteux

 

LES MODIFICATIONS DES RELATIONS AVEC L’ENTOURAGE

L’autre: réassurant ou trop protecteur

Perception du changement des rôles

Perception de la perte de confiance

Perception des tensions

Perception de la peur de l’autre

La blessure du regard de l’autre et la perception d’une forme de stigmatisation sociale

 

LA PEUR DE L’AVENIR

Peur de perdre le contrôle de ses actes

Peur de ne plus communiquer

Peur de la perte de conscience de soi

Peur de la dissolution existentielle

 

POUR FAIRE FACE À LA MALADIE

Stratégies: repli sur soi, essayer d’être normal, faire semblant, tricher, dérision, banalisation, rationalisation, indifférence, repli, déni, colère, comportements obsessionnels pour garder un contrôle

Ressources

  • Vivre au jour le jour
  • Savoir qu’il existe d’autres formes de mémoire
  • S’appuyer sur d’autres valeurs que la mémoire
  • Savoir de quelle maladie on est atteint

L’apprentissage des limites pour le patient

  • Le rapport à soi et à l’autre est bouleversé par la maladie
  • Résistance au changemment: conflit intra-psychique, consentir à vivre avec une nouvelle réalité
  • Nouvelle réalité objectivée lors du temps du diagnostic
  • Travail de deuil, réactivation de traumatismes antérieurs
  • La question est alors de pouvoir réinvestir ces limites, reconstruire son identité, restaurer son rôle, de pouvoir développer d’autres potentialités

L’annonce comme acte fondateur, restaurer la compétence de l’autre

 

LA COMPÉTENCE NON SEULEMENT DES PROCHES MAIS SURTOUT DU PATIENT

Le patient est à remettre au centre

S’attacher à respecter et comprendre les représentations de chacun et leur évolution

Reconnaître l’expérience de chacun, les intuitions, les connaissances comme légitimes

C’est ce qui peut conduire à prendre conscience des enjeux de sa pratique de vie avec la maladie

Processus non linéaire qui nécessite un temps de maturation

 

LA CHRONICITÉ: UN APPRENTISSAGE POUR LE SOIGNANT

Rencontre avec l’autre qui demande à être la plus authentique possible

Souffrance de l’autre accueillie, accompagnée, demande une disponibilité de temps, matérielle, et intérieur

Les mécanismes de défense appartiennent aussi au soignant pour mettre à distance la souffrance, d’où le risque d’un désengagement du soin relationnel

Savoir utiliser les moyens (information, ETP, groupes de soutien…) et travailler avec le réseau (centres de référence, associations)

 

EN CONCLUSION

La maladie d’Alzheimer nous apprend beaucoup sur la chronicité, ses risques, ses conséquences

Elle nous oblige à travailler sur nos représentations et nos propres peurs

Elle nous interpelle: sur la place du patient, le respect de sa parole, les droits et les devoirs de chacun, les notions d’autonomie et de compétence

 


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