Relation soignant-soigné

Introduction

La relation soignant-soigné est, en bonne partie, conditionnée par les attitudes adoptées par le patient face à sa maladie et par les réactions que de telles attitudes induisent chez le soignant

C’est une relation intersubjective régie par des ressorts affectifs

Relation asymétrique

Nécessité d’évoluer vers une relation contractuelle, construite sur les principes d’un partenariat

Avec transmission d’un esprit et d’un savoi-faire et visant l’autonomie maximale du malade

 

I. Le malade et sa maladie

LES CARACTÉRISTIQUES DE LA MALADIE

Chez le malade: rupture de l’équilibre antérieur entraînant des réactions, variables selon sa personnalité, ses représentations imaginaires et la représentation collective de la maladie

Expérience de la maladie avant tout négative et source de souffrance mais parfois aussi bénéfices

LE PATIENT ET SA RÉACTION FACE À LA MALADIE

Modèle de « défenses du Moi »: issu des théories psychanalytiques: mise en place d’opérations inconscientes ou mécanismes de défense face au développement de l’angoisse

Modèle de « coping » (faire face): issu des théories cognitivo-comportementales: ensemble des processus conscients qu’un individu interpose entre lui et la maladie afin d’en maîtriser ou diminuer l’impact sur son bien être physique et psychique

LES TYPES DE RÉACTION À LA MALADIE
  • Réactions anxieuses
  • Attitudes de régression et de dépendance
  • Attitudes de minimisation, négation et refus de la maladie
  • Réactions d’ordre narcissique et dépressive
  • Attitudes agressives et persécutives

Caractère pathologique de la réaction: intensité, durée, souffrance / inadaptation à la situation

Réactions anxieuses: fréquentes, processus normal d’adaptation aux contraintes et conséquences, comprend des manifestations psychiques, somatiques et comportementales

Attitudes de régression et de dépendance: processus normal permettant de s’adapter ou bien pathologique utile au processus thérapeutique (observance), réduction des intérêts, dépendance, égocentrisme, mode de pensée magique

Attitudes de minimisation, négation et refus de la maladie: péjoratives car risque de frin à l’observance thérapeutique

Réactions d’ordre narcissique et dépressive: thématiques dépressives, « faille narcissique » ou narcissisme renformé, égocentrisme

Attitudes agressives et persécutives: reflet de la perception d’une menace, voire d’un sentiment d’injustice et de persécution, peut s’exprimer par une agressivité passive, verbale voire physique

 

II. Relation soignant-soigné

Relation déterminée par de nombreux facteurs, individuels et socioculturels

Le malade réagit à sa maladie en fonction de sa propre personnalité

Le soignant réagit par des attitudes conscientes et inconscientes, dépendant de sa personnalité et de son histoire

Ces attitudes sont susceptibles d’infléchir le cours de la relation thérapeutique

CARACTÉRISTIQUES DE LA RELATION SOIGNANT-SOIGNÉ

Relation fondée sur l’inégalité et l’asymétrie car demande du patient le rend passif et dépendant, et sa souffrance le mobilise et le diminue

Relation d’attente et d’espérence mutuelle: le malade attend la guérison ou au moins le soulagement et le soignant attend la reconnaissance de son pouvoir réparateur

APPORT DU MODÈLE PSYCHANALYTIQUE

Concept de transfert ou réactions affectives inconscientes éprouvées par le patient et s’actualisant à l’égard du soignant

Contre transfert: réactions affectives inconscientes qu’éprouve le soignant vis-à-vis du patient

Le plus souvent le contre-transfert est positif, permettant l’établissement d’une relation empathique et une action thérapeutique efficace

Un contre transfert excessivement positif risque de conduire à une identification massive au malade, à une perte d’objectivité dans les soins: garder une certaine distance ++

Un contre transfert négatif induit agressivité et frustrations du malade. Risque de mettre en échec la relation thérapeutique.

Ou absence de contre transfert conduisant à une froideur excessive

APPORT DU MODÈLE DE BALINT

Balint, psychanalyste hongrois

Médecin / soignant est un remède en soi

Une meilleure maîtrise de la relation inter-individuelle doit permettre un échange affectif ayant des vertus curatives

Objectif des groupes Balint: approche en groupe des diverses problématiques relationelles soignant-soigné

DONNÉES RÉCENTES

Conception de la relation soignant-soigné en pleine mutation

Mise en avant des droits du patient, obligations liées à l’information, au consentement éclairé, communication du dossier médical

Souhait d’évolution de la relation d’un modèle paternaliste vers un modèle d’autonomie où le patient a plus de responsabilités dans les choix de ses soins

 

III. Système d’attentes réciproques

CHEZ LE PATIENT, LE SOIGNANT EST À LA FOIS
  • un technicien doté d’un savoir et savoir-faire
  • un confident, neutre et discret, susceptible d’entendre la détresse et d’être de bon conseil
  • un interprète, capable de décrypter, de donner un sens
  • un représentant de l’autorité parentale (rappeler à l’ordre, faire la leçon mais aussi montrer le chemin de l’autonomie)
CHEZ LE SOIGNANT, L’IMAGE DU PATIENT RENVOIE À
  • au désir de soulager, prendre soin, réparer, et à des racines infantiles
  • au désir d’affirmer son pouvoir sur les autres, de se faire respecter, obéir
  • au désir d’acquérir une situation sociale et un emploi rémunérateur
  • au désir d’accomplir une mission sociale en offrant à ses patients un droit à la santé qui atténue les inégalités sociales
  • au désir d’allier une compétence technique à la richesse véhiculée par tout contact humain

Dimension d’idéalisation sous-tend ces attentes réciproques

  • le soignant idéal est celui qui pourra être à la hauteur de multiples espérances
  • le patient idéal est celui qui pourra au mieux satisfaire la vocation du soignant, à la fois ses attentes conscientes et désirs inconscients

Médecine d’urgence versus chronique

 

IV. Stratégies d’ajustement

Les effets de la stratégie utilisée sur la persistance des pensées perturbatrices dans la conscience

  • pensées restant présentes dans la partie supérieure du tableau
  • pensées mises plus ou moins complètement à distance dans la moitié inférieure

Le type de position adoptée par le sujet face à la situation stressante

  • position de toute puissance et d’activité jusqu’à position d’impuissance et de passivité

Il n’y a pas de stratégie optimale

Chacune a ses avantages et ses inconvénients

Positions de toute-puissance, de révolte ou de déni fréquentes lors de l’annonce d’une affection grave ou d’un statut lourd de conséquences

L’adoption de stratégies intermédiaires demande du temps et témoigne de l’efficacité du travail de deuil de l’état de santé antérieure et l’abandon de l’illusion de vulnérabilité

Position d’impuissance parfois d’emblée chez certains ou dans un contexte de chronicisation d’un problème de santé

2 groupes de stratégies opposés impliquent fortement la relation soignant-soigné

Maintien d’un lien avec autrui face à l’épreuve de la maladie

Risque d’enfermement dans un isolement décourageant toute approche

Risque de réponse des soignants face au déni: « faire peur » au patient pour lui « ouvrir les yeux »: attitude de dramatisation rassure les soignants mais non bénéfique pour le patient voire renforcement du déni

 

V. Le malade, partenaire du projet de soin

Prise de conscience, motivation et engagement effectif ne vont jamais ‘de soi’ et supposent un véritable travail de maturation psychique chez le patient, et un travail non moins laborieux et créatif, chez le soignant

Quelque soit le stade, les attitudes du patient peuvent être interprétées par le soignant comme des résistances au changement et des oppositions au projet de soins

Mobilisation du soignant face à l’opposition / résistance avec confrontation possible

Caractéristiques d’une attitude confrontation

  • relation de pouvoir / interaction soignant-soigné s’engage dans la voie de la compétition et de la rivalité
  • rôle de l’angoisse du soignant
  • accent mis sur symptômes actuels et risques encourus avec raisonnement statistique et dramatisation
  • la non-implication est stigmatisée comme un comportement pathologique
  • l’attitude du soignant reste paternaliste et directe, voire vécue comme un abandon

Intérêt d’une approche « motivationnelle »

  • relation de type pédagogique: identifier ce qui sous-tend le manque de motivation à sa soigner ou à changer
  • se centrer sur les raisons personnelles (subjectives) du patient
  • les résistances sont prises en considération plutôt qu’en les combattant de front
  • décision à changer est encouragée et non désignée comme le seul recours possible / possibilités personnelles de réussite sont encouragées

Cette approche motivationnelle suppose la tolérance par le soignant d’une efficacité limitée. A long terme meilleure intériorisation des objectifs thérapeutiques, plus grande stabilité des résultats obtenus

 

VI. Comment trouver la « bonne distance » ?

2 PRINCIPES FONDAMENTAUX

Se sentir suffisamment proche, mais pas trop, du malade, pour mieux le comprendre et mieux lui faire sentir qu’on le comprend, tout en restant « chacun à sa place » = attitude dite « empathique »

Veiller aux conditions nécessaires pour une communication de bonne qualité, authentique et interactive

UNE COMMUNICATION DE QUALITÉ

Rester concis, compréhensible et s’assurer que le message est passé

Supporter qu’un patient exprime jusqu’au bout ses inquiétudes ou ses doutes

Accepter de répondre aux questions embarrassantes

Encourager à revenir, dans un temps ultérieur, sur une explication déjà donnée

Inciter le patient à poser des questions qui n’auraient pas été abordées

Bien que relation inégalitaire, faire du patient un « partenaire de soins » à part entière, le responsabiliser, contractualiser les objectifs thérapeutiques

Attitude empathique – et non amicale – suppose une aptitude à s’intéresser à la personne autrement que comme « un cas clinique » ou « un numéro de chambre » et à pouvoir et percevoir ce que le patient ressent face à ses problèmes de santé, en fonction de son histoire personnelle et des particularités de son environnement familial et social

Empathie ne veut pas dire apitoiement

Pas non plus synonyme d’une identification sans nuances, avec de l’anxiété et découragement ressentis en place et lieu du patient

Eviter de parler ou de faire allusion à sa vie personnelle: le patient attend qualités professionnelles et rigueur et non amitié et confidences

Ne pas chercher à tout prix à vouloir rassurer un patient trop inquiet

Savoir ne pas esquisser les questions embarrassantes

 

VII. Quelques situations pratiques

Face à l’angoisse: attitude souple d’écoute bienveillante, centrée sur les préoccupations du malade, associée à une attitude de réassurance et d’explication des symptômes

Face à l’agressivité: reconnaître et nommer l’émotion du patient et préférer le dialogue a l’escalade de l’agressivité

Face à l’hypochondrie: accepter l’impuissance thérapeutique pour éviter toute surenchère de médicalisation qui pérenniserait les troubles voire les aggraverait

Face à la séduction histrionique: prévenir l’engrenage des hospitalisations, de la iatrogénie, des bénéfices secondaires. Guérir signifierait rupture du lien affectif

Eviter l’utilisation inadaptée et parfois pathogène des dimensions psychologiques

Jouer son rôle apaisant et réorganisateur à travers la qualité de la relation établie avec le patient et son entourage

 


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