Les addictions

I. Généralités sur les addictions

DÉFINITIONS

Addictions = Processus dans lequel est réalisé un comportement qui peut avoir pour fonction de procurer du plaisir et de soulager un malaise intérieur, et qui se caractérise par l’échec répété de son contrôle et sa persistance en dépit des conséquences négatives

ABUS = MODE D’UTILISATION INADÉQUAT ET NOCIF D’UNE SUBSTANCE CONDUISANT À UNE ALTÉRATION SIGNIFICATIVE DU FONCTIONNEMENT OU À UNE SOUFFRANCE CLINIQUEMENT SIGNIFICATIVE
DÉPENDANCE = BESOIN OU DÉSIR COMPULSIF DE CONSOMMER LA SUBSTANCE
  • Désinvestissement progressif des autres plaisirs, centres d’intérêts, au profit de la consommation de la substance toxique
  • Poursuite de la consommation malgré la conscience des effets délétères par le patient, avec augmentation du temps passé pour obtenir la substance
CRAVING = DÉSIR INTENSE DE RÉEXPÉRIMENTER LES EFFETS D’UNE SUBSTANCE
  • Peut être déclenché par un stimulus associé à la substance
  • Cause de rechute après abstinence
SEVRAGE = SYMPTÔMES APPARAISSANT À L’OCCASION DE L’ARRÊT BRUTAL OU DE LA DIMINUTION RAPIDE OU DE LA PRISE D’UN ANTAGONISTE D’UNE SUBSTANCE AYANT INDUIT UNE DÉPENDANCE
  • Syndrome de sevrage caractéristique de la substance
  • La même substance est prise pour soulager les symptômes de sevrage
PRÉDISPOSITIONS
  • Impulsivité
  • Recherche de sensations
  • Faible niveau d’évitement du danger
  • Dépressivité
  • Anxiété
  • Hyperactivité et déficit attentionnel
  • Faible estime de soi
  • Niveau élevé de réactivité émotionnelle
FACTEURS DE RISQUE DE DÉPENDANCE
  • Consommation précoce
  • Consommation à la recherche d’excès
  • Consommation à visée auto-thérapeutique
  • Cumul des consommations
  • Facteurs environnementaux

 

II. Alcool

DÉFINITIONS

Alcoolisme = buveur excessif, notion de dépendance, occasionnant un trouble mental ou physique, avec conséquences comportementales, sociales, familiales, économiques

Alcoolite = alcoolisme d’entrainement, consommations régulières, en société, sans culpabilité, rares ivresses

Alcoolose = alcoolisme névrotique, consommations irrégulières, seul et dissimulé, culpabilité, invresses fréquentes

Somalcoolose = compulsions brèves intermittentes, solitaire, dégout en dehors des crises, culpabilité forte, ivresse immédiate

INTOXICATION ALCOOLIQUE AIGUË

Les différentes phases

  • Phase infra-clinique = 0.5 à 0.7 g/L → discours inadapté, altération cognitive et de la précision des geste
  • Phase d’excitation psychomotrice = 0.7-1.5 g/L
  • Phase d’incoordination = 1.5-2 g/L → incohérence des propos, dysarthrie, trouble de l’équilibre, de la vision, participation affective
  • Phase d’ivresse comateuse = > 3g/L → mydriase aréactive, aréflexie, hypotension artérielle, hypothermie

Complications de l’intoxication aiguë

  • Neuropsychiatriques: ivresse pathologique, coma éthylique, crise comitiale
  • Traumatiques: TC, fractures
  • Métaboliques: hypoglycémie, déshydratation, hyponatrémie, rhabdomyolyse
  • Autres: hépatite alcoolique aiguë; pancréatite aiguë, pneumopathie d’inhalation
IVRESSE PATHOLOGIQUE AIGUË

Absorption aiguë massive ou moindre avec vulnérabilité

Durée prolongée sur plusieurs jours

Se termine en général par une phase comateuse

Amnésie de l’accès

Possibilités de récidive et de passage à l’acte auto/hétéro agressif

3 formes classiques

  • excito-motrice
  • confuso-hallucinatoire
  • confuso-délirante
SIGNES D’INTOXICATION CHRONIQUE

Aspect

  • Visage: congestionné, télangiectasies
  • Conjonctive: ictérique, oedème palpébral inférieur
  • Langue: rôtie et couverte d’un enduit

Tremblements

  • Labio-linguaux
  • Extrémités

Troubles subjectifs

  • Digestifs: anorexie, amaigrissement, brûlures grastriques
  • Nerveux: irratibilité, insomnie, cauchemars, agitation nocturne
  • Moteurs: fatigabilité, douleurs musculaires
CLINIQUE DU SEVRAGE ALCOOLIQUE

Survient quelques heures après l’arrêt brutal de l’alcool chez l’éthylique chronique

  • Neuro-végétatifs: sueurs, tremblements fins, tachycardie, HTA
  • Subjectifs: anxiété, insomnie, irritabilité
  • Digestifs: nausées, vomissements, anorexie
CLINIQUE DU DÉLIRIUM TREMENS (DT)

Complication de sevrage de l’alcoolisme chronique

12 à 48h après le sevrage

Urgence médicale

Clinique

  • Délire confuso-onirique: hallucinations visuelles, agitation psychomotrice anxieuse
  • Symptomes neurologiques: tremblements intenses généralisés, dysarthrie, troubles de l’équilibre, convulsions
  • Signes neurovégétatifs: sueurs, soif, fièvre à 39/40°, déshydratation, tachycardie

Evolution

  • Rapidement favorable sous traitement
  • Mortalité importante: 20%
  • Récidive possible
COMPLICATIONS DE L’ALCOOLISME CHRONIQUE
  • Hépato-gastro-entéro: hépatite alcoolique, cirrhose, stéatose hépatique
  • Hématologiques: anémie, leuco-thrombopénie
  • Psychiatriques: trouble du caractère et du comportement, trouble dépressif, troubles anxieux, pathologie du sevrage, délires alcooliques chroniques
  • Neurologiques: encéphalopathies carentielles, démence alcoolique, polynévrite sensitivo-motrice, démences métaboliques
  • Autres: hypoglycémie, hypogonadisme, déshydratation ou hyperhydratation, HTA, troubles du rythme, cardiomyopathie alcoolique, désinsertion sociale
LES TRAITEMENTS

Prise en charge globale

  • Sevrage
  • Traitement des complications somatiques et psychiques
  • Traitement de la dépendance (maintien de l’abstinence)
  • Réhabilitation socioprofessionnelle

Traitement intoxication aiguë

  • Ivresse simple = ambulatoire, repos au calme, hydratation, surveillance
  • Ivresse pathologique = hospitalisation, hyperhydratation per os, anxiolytique per os, neuroleptique si ivresse délirante
  • Coma alcoolique = hospitalisation en réanimation traitement symptomatique

Toujours éliminer une cause organique de confusion

Vitaminothérapie B1 B6 PP si suspicion d’éthylisme chronique

Traitement sevrage

  • Hospitalisation si complications somatiques, antécédent de délirium tremens, échec du sevrage ambulatoire
  • Chambre calme et éclairée
  • Examen clinique
  • Réhydratation massive
  • Prévention des complications neurologiques par vitaminothérapie
  • Prévention des crises convulsives par benzodiazépines
  • Surveillance clinique et biologique rapprochée de la conscience, glycémie, FC, FR, TA, température et état d’hydratation
  • Psychothérapie de soutien
  • Traitement de la dépendance à l’alcool dans un second temps

Traitement du délirium tremens

  • Hospitalisation en urgence en réanimation
  • Correction des troubles hydro-électrolytiques
  • Vitaminothérapie
  • Benzodiazépines
  • Neuroleptique anti productif / sédatif
  • Chambre calme et éclairée
  • Réhydratation massive
  • Surveillance clinique et biologique rapprochée de la conscience
  • Traitement de la dépendance à l’alcool

Traitement de la dépendance

  • En amont du sevrage = information précise du malade, alliance thérapeutique, entretiens motivationnels
  • Sevrage alcoolique
  • Relais post-cure
  • Psychothérapie
  • Chimio d’appoint: traitement addictolytique
  • Suivi psy addicto régulier
  • Travail en réseau
  • Médecin généraliste
  • Associations
  • Centre d’alcoologie ambulatoire
  • Accompagnement psycho-social

Règles de prescription

  • La réhydratation se fait per os si l’état du patient le permet sinon par voie IV
  • Les solutés de réhydratation ne doivent jamais comporter de glucose sans vitaminothérapie associée
  • Les anxiolytiques sont prescrits à la fois dans un but sédatif, tranquilisant et anticonvulsif
  • Le choix du type de neuroleptique dépendra de la symptomatologie, neuroleptique sédatif si agitation, neuroleptique antiproductif si hallucination

Conduite à tenir IDE

  • Accueil du patient
  • Prise de constantes et prise en charge
  • Recherche de signes de gravité
  • Symptômes de sevrage éthylique
  • Prévention du délirium tremens

 

III. Tabac

Un fumeur sur deux décédera d’une pathologie liée au tabagisme et 80% des fumeurs sont dépendants

SEVRAGE

Dans les 24 heures

  • Signes psychiques: tristesse, irritabilité, colère, anxiété, frustration
  • Signes psychomoteurs
  • Signes somatiques: insomnie, augmentation de l’appétit
COMPLICATIONS

Pulmonaires

Cardio-vasculaires

Néoplasiques

Gynéco-obstétricales (30% des femmes fument pendant la grossesse)

PRISE EN CHARGE

Evaluation de la motivation à l’arrêt

Test de Fagerström pour évaluer la dépendance à la nicotine (horaire de la 1e cigarette du jour et nombre de cigarettes fumées par jour

Substitution nicotinique

Débat sur la cigarette électronique

Psychothrépie avec suivi prolongé (6 mois)

 

IV. Cannabis

GÉNÉRALITÉS

Substance illicite la plus consommée

Principe actif = Δ9-THC (tétra hydro cannabinol)

3 formes

  • végétale (herbe)
  • résine
  • huile à appliquer sur les papiers de cigarettes

Forme d’administration: fumé >> avalé

INTOXICATION AIGUE = IVRESSE CANNABIQUE

Signes psychiques: euphorie, désinhibition, troubles de la mémoire et de l’attention, altération de performances psychomotrices

Signes physiques: céphalées, vomissement, tachycardie, dyspnée, augmentation de l’appétit, sécheresse buccale

Autres: bad trip, pharmacopsychose

INTOXICATION CHRONIQUE

Complications somatiques: bradycardie, hypotension artérielle, décompensation asthmatique, bronchite chronique, BPCO, cancer des voies aéro-digestives supérieures (1 joint = 5 cigarettes)

Complications psychiatriques: dépendance psychique fréquente, peu de dépendance physique, dépression secondaire, syndrome de dépersonnalisation avec attaques de panique, syndrome amotivationnel (déficit de l’activité professionnelle ou scolaire, perte d’intérêt généralisée, apathie, fatigabilité, trouble de la concentration), troubles cognitifs

SYNDROME DE MANQUE

Psychologiques: irritabilité, anxiété, instabilité, craving, dépression, trouble de l’appétit et du sommeil

Physiques: céphalées, tremblement, sudation, nausées, vomissements, diarrhée, troubles digestifs

PRISE EN CHARGE

Ambulatoire en général

Pas de traitement substitutif

Troubles obsessionnels compulsifs

Traitement des comorbidités psychiatriques et somatiques

Prise en charge pluridisciplinaire

Psychothérapie de soutien

 

V. Opiacés

Héroïne, morphinique, codéine, opium

INTOXICATION AIGUË

Plaisir intense

« Flash » puis état stuporeux avec somnolence et repli sur soi

Signes somatiques = myosis, dépression du système nerveux sympathique (bradycardie, bradypnée, hypotension, hypothermie)

SEVRAGE

Survient 12h après la prise

Acmé des symptômes à J3

Régression progressive à J8

Psychique: angoisse, irritabilité, insomnie

Psychomotrice: agitation

Somatique: rhinorrhée, fièvre, asthénie, céphalées, sueurs, myalgies, tremblements, diarrhée, vomissements

Examen: mydriase bilatérale, tachycardie, hypotension

COMPLICATIONS SPÉCIFIQUES
  • Overdose avec coma calme
  • Hypothermie et dépression respiratoire
  • Infectieuses (HIV)
  • Epistaxis si sniff
  • Pneumopathie d’inhalation
  • Psychiatriques
  • Gynéco-onstétriques
  • Désinsertion sociale
TRAITEMENT SEVRAGE AUX OPIACÉS
  • Hospitalisation courte
  • Arrêt brutal des toxiques
  • Hydratation polyvitaminothérapie
  • Renutrition
  • Bilan complication somatique et psychiatrique
  • Correction des désordres hydroélectrolytiques
  • Chimiothérapie symptomatique
  • Psychothérapie
  • Evaluation addiction
  • Traitement de substitution
  • Prise en charge globale pluridisciplinaire
  • Suivi psychologique spécialisé addictologie
  • Suivi éducatif et social
TRAITEMENT DE LA SUBSTITUTION AUX OPIACÉS

Méthadone, Subutex

Objectifs = réduire les complications liées à l’utilisation de drogues et abstinence à long terme

Limites = mésusage, trafic, pharmacodépendance

 

VI. Psychostimulants

Cocaïne, crack, amphétamines

EPIDÉMIOLOGIE

1% de consommateur

Zones urbaines et drogues de consommation festive

Homme > Femme

Peur de dépendance physique surtout psychique

Augmentation extra-celullaire de la dopamine

INTOXICATION AIGUË

Signes psycho-comportementaux: phase d’excitation psychique et motrice (logorrhée, hyper-vigilance, euphorie, diminution de la sensation de fatigue, idée de grandeur)

Signes somatiques: flash, excitation physique intense, tremblements, tachycardie, hypertension artérielle, vasoconstriction, hyper puis hypoventilation, anorexie et insomnie

COMPLICATIONS

Sociales

Psychiatriques (mises en danger)

Somatiques (cardiovasculaires, neurologiques, métaboliques, respiratoires)

PRISE EN CHARGE

Sevrage ambulatoire ou hospitalisation

Anxiolyse et traitement des comorbidités (somatiques et psychiatriques)

 

Conclusion

Ce sont des pathologies psychiatriques, pas des modes de vie

L’addiction est un phénomène complexe

Prise en charge multifactorielle

Prévenir, reconnaitre et traiter le sevrage et le délirium tremens chez les patients hospitalisés

 


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